MOBILIER PEINT / Flora Moscovici et Yoan Sorin
Note d'intention de Barbara Sirieix curatrice de l'exposition

L’exposition Déclassement envisage le château d’Oiron à travers un regard spéculatif sur
l’avenir des institutions culturelles et des protocoles actuels de conservation et de
valorisation du patrimoine. Elle s’envisage comme une entité vivante, collective et en
dialogue avec son environnement, qu’il s’agisse de l’architecture ou de la collection Curios &
Mirabilia.
Le Château d’Oiron est un monument atypique. Vestige de plus de cinq siècles, il fut sauvé
de la ruine grâce à son achat par l'État en 1941. Puis à la fin des années 80, la décision fut
prise de le faire restaurer, chantier mené par l’architecte en chef des monuments historiques
Fréderic Didier en parallèle à une commande d’œuvres d’art contemporain sous la direction
artistique de Jean-Hubert Martin. Ces évènements ont fait du château un témoin important
d’une certaine époque des institutions culturelles françaises issues de la politique de
décentralisation. Vingt-cinq ans plus tard, la collection a changé de forme et de statut dans le
processus de sédimentation de l’histoire. Les questions relatives aux modalités de
conservation et d’activation de ce monument hybride se posent à nouveau.
Curios & Mirabilia sollicite d’emblée des questionnements sur l'exposition, le musée et
l'institution, étant donné qu'historiquement le cabinet de curiosités en est la première
intuition. L'exposition Déclassement propose de prolonger les questionnements de Jean
Hubert Martin à travers l’outil spéculatif de l’imagination. Dans son texte Un Tour des
Monuments de Paissac, l’artiste Robert Smithson observe des sites industriels du New Jersey
et anticipe leur devenir-monument en utilisant la fiction et la science-fiction, élaborant en
filigrane une réflexion sur le patrimoine.
L’auteure Ursula Le Guin envisage la science-fiction comme un outil heuristique car il permet
de réaliser des expériences de pensée : « une des fonctions essentielles de la science-fiction, je
pense, est précisément cette manière de poser des questions : renverser une façon habituelle de
penser, créer des métaphores pour ce qui n’a pas encore de mots dans notre langage, faire des
expérimentations avec l’imagination. » De nombreux programmes partagent ces outils comme
le dispositif curatorial actuel du Vanabbemuseum ‘Demodernizing the Museum’ ou la récente
conférence 'Histoires d'un futur proche' à la HEAD à Genève.
Déclassement propose une expérience de pensée à partir de l’idée d’une cristallisation de la
collection en monument.
Les artistes Béatrice Balcou, Hélène Bertin, Tyler Coburn, Mathis Gasser, Mobilier Peint,
Aurélien Mole, Jay Tan, Céline Vaché-Olivieri, France Valliccioni ont été invité.e.s d’abord à
observer. Le projet s’est amorcé avec un temps de recherche sur place afin de découvrir les
différentes strates de l’histoire du château, chacune ayant affecté sa forme actuelle : les
différentes phases de construction et de décoration (XVe puis XVIe et XVIIe siècle), de
restauration (les différents états de la galerie Renaissance) et d’exposition (avant Curios et
Mirabilia, l’exposition Meltem en 1987).
Partant de ces savoirs, les artistes ont mobilisé des épisodes plus ou moins connus, ainsi que
des objets plus ou moins visibles des lieux, notamment des résidus des précédentes
expositions et des éléments mobiliers classés. Ils interviennent dans différents espaces du
château, créant des résonances et dissonances, anticipations et alternatives d’interprétation
pour certaines œuvres de la collection et certains éléments de l’architecture.

France Valliccioni s’est intéressée à l’œuvre de Lawrence Weiner et à ce que l’on pourra
conserver des œuvres conceptuelles de langage alors que les langues changent si rapidement.
A partir d’éléments classés ou triviaux, Jay Tan insère des décors et des images GIF au sein
des apparats du château et Mobilier Peint déploie une installation en interrogeant les motifs
de peinture des décors, faux matériaux et touches de peinture pour la restauration. Céline
Vaché-Olivieri emprisonne pour sa part des objets dans le temps et l’espace. L’intervention
d’Aurélien Mole emprunte le chemin de la fiction, par l’infiltration d’un ensemble de cartels
inventés au sein de l’exposition et de la collection. Tyler Coburn propose deux sculptures,
symbolisant l’ambiguïté inhérente à notre manière de dissocier l’objet de valeur du rebut.
Pour le vernissage, il fera également intervenir le robot Norio, livrant aux spectateurs une
réflexion introspective sur le château. De son côté, Mathis Gasser réalise une installation
interrogeant les rituels de l’exposition. Hélène Bertin questionne un rituel de solstice
menacée, le feu de la fête de la Saint Jean célébrée le 23 juin, jour du vernissage de
l’exposition. Pour Béatrice Balcou, c’est aussi l’histoire d’un collectionnisme dominé par les
hommes qu’il convient de questionner.



Flora Moscovici et Yoan Sorin ont relevé la grande variété des formes peintes au château :
peintures murales de la galerie Renaissance, panneaux et plafonds peints, nombreuses
peintures de la collection... Les artistes ont focalisé leur attention sur la représentation de
faux matériaux dans les éléments décoratifs et les différentes versions de touche de peinture
dans les restaurations. Ils proposeront une installation de matériaux divers trouvés dont des
éléments standards de scénographie des précédentes expositions à Oiron et des éléments
classés dans l’inventaire, qu’ils travailleront avec des motifs peints empruntés à ces différents
espaces.



Photos : Aurelien Mole
Peintures d'apparat
2018
Bois, pigments, acrylique, objets divers et collection du chateau d'Oiron
300x300x50 cm